Marja-Irena Angendijk Van den Haag

Histoire:

Marja-Irena Angendijk Van den Haag – plus couramment appelée “Irena” par ses camarades encore et toujours incapables de prononcer son nom – naquit le 29 novembre 1902, dans une famille comtale de La Haye ayant acquis titre et fortune au cours du 17ème siècle.

Alexander Angendijk, père d’Irena, homme sobre et digné né en 1872, possédait de nombreux contacts et correspondances dans plusieurs grandes capitales européennes, et, de par le point d’honneur qu’il mettait à toujours achever ce qu’il entreprenait, perpétua la fortune familiale acquise jadise grâce au négoce, une fortune qu’il avait de tous temps comptée transmettre à son fils. Il épousa Marja-Antonia, de cinq ans sa cadette, une femme de fort caractère qui, ne pouvant à l’époque s’exprimer dans son milieu comme on le ferait bien des décennies plus tard, tourna toutes son énergie vers la gestion d’une famille qu’elle aspirait voir atteindre la perfection. Très à cheval sur les conventions, Antonia veilla à la stricte éducation de ses enfants, ce qui n’alla pas sans poser un certain nombre de problèmes par la suite.

D’une certaine manière, le malheur sembla dès le départ frapper les Angendijk, car la naissance de la petite Irena au sein d’une telle assemblée fit l’effet d’une éclaboussure offerte aux regards emplis d’horreur d’une société encore fort tournée vers les traditions et les bonnes manières: l’enfant était albinos, et par là même vouée à ne jamais vraiment trouver sa place parmi les siens. Qui plus était, l’avenir allait prouver que ce nouveau-né en tous points dérangeant serait en fait l’unique survivant de la descendance d’Alexander et Antonia. En 1896 était né Johannes, héritier tout désigné, qui par un coup du sort ne revint sain et sauf de la Grande Guerre que pour mieux se voir frapper de la grippe espagnole à la fin de l’année 1918, et en mourir en tout juste quelques jours. Quant à leur soeur cadette, Marja-Elke, née en 1904, aimée de tous et destinée à faire un magnifique mariage qui contribuerait encore à élever la famille, elle mourut à son tour au début de l’été 1927, des suites d’une mauvaise blessure reçue lors d’une chute de cheval. Ne resta qu’Irena, celle que l’on disait laide et inutile, pour perpétuer les rêves du Comte et de son épouse, et là encore, les choses ne pouvaient pas plus mal tourner pour leurs aspirations particulières.

Fillette solitaire, peut-être plus par ostracisme que par goût véritable, Irena se tourna très tôt vers la lecture et les études afin de tromper son ennui, d’autant plus que sa myopie plus que prononcée et sa sensibilité à la lumière ne favorisaient pas vraiment ni les activités en extérieur, ni les liens amicaux avec d’autres enfants de son âge. Son intelligence exceptionnelle et son don pour les langues ne tardant pas à se faire remarquer, Irena devint à la fois un bagage encombrant et une sorte de “petit phénomène” que l’on montrait de temps à autre afin de se persuader qu’à quelque chose malheur était bon, avant que les invités ne se sentent trop dérangés par son apparence hors du commun. Ses journées en société se cantonnaient à passer une belle robe, offrir les politesses d’usage et immédiatement cesser de se faire trop voir; même ses dons d’observation et d’apprentissage attiraient régulièrement l’opprobre, car après tout, était-il seulement de bon ton qu’une jeune fille de bonne famille se cultivât autant? Ce fut au cours de ces années qu’Irena apprit l’art de la dissimulation et de se glisser en cachette dans la bibliothèque, et développa un certain talent pour se lier aisément avec le personnel de maison, échangeant confidences et pieux mensonges avec les servantes.

Les années passant, Irena devint une adolescente courtoise et obéissante, fort consciente du fait qu’à cause de sa particularité physique, elle ne pourrait jamais beaucoup espérer à l’âge adulte, et devrait apprendre très vite à se contenter du peu d’attention positive qu’on daignait lui témoigner. Ses parents ne s’étaient jamais attendu à la voir épouser un bon parti; les prétendants ne s’intéressaient de plus qu’à sa soeur, ou du moins à ce qu’elle deviendrait quelques années plus tard, car qui aurait voulu d’une albinos pour femme, de surcroît rat de bibliothèque? Cependant, Antonia faisait quand même comprendre à sa fille aînée que si d’aventure quelqu’un se présentait, elle se devrait de l’accepter sans rechigner: ce serait là une chance extraordinaire pour elle.

Comme toutes les jeunes filles, Irena elle aussi souffrit des premiers émois amoureux, bien que sachant qu’il ne servirait à rien de les exprimer par crainte d’une rejet plus que certain. À force de tristement contempler les jeunes gens de son âge faire la cour à une autre et s’éloigner sans un regard pour elle, elle aurait pu ne devenir rien d’autre qu’une plante bien trop tôt fanée. Néanmoins, c’est à cette période qu’un personnage plus qu’excentrique fit irruption dans sa vie, pour ne plus jamais lui refuser sa compagnie salutaire: André, qui devait lui sauver la vie.

L’Eveil:

Tout comme elle emporta Johannes, la grippe espagnole faillit triompher en 1919 d’Irena elle-même. Oscillant pendant de longues semaines entre la vie et la mort, elle eut un jour la surprise de voir apparaître dans son miroir un jeune homme de son âge, en tous point son opposé, qu’elle ne prit tout d’abord que pour une illusion issue de la fièvre et du délire. Cet “ami imaginaire”, qui répondait au nom d’André, devint toutefois son seul compagnon, et c’est sans même s’en rendre compte que grâce à sa présence, l’adolescente fragile se raccrocha à la vie comme jamais encore elle ne l’avait fait. Régulièrement, André réapparut dans le miroir, lui tenant compagnie durant son rétablissement lorsqu’elle s’ennuyait ferme, mais ne disparut pas pour autant avec la maladie. Peu à peu, au fil de leurs conversations, lui qui était ce qu’Irena avait toujours secrètement rêvé d’être aida la jeune fille à s’affirmer et à comprendre que différente ou pas, elle seule avait le pouvoir de transformer sa vie et sa réalité – ce qu’elle fit. C’est ainsi qu’à l’âge de tout juste dix-sept ans, Irena Angendijk se révéla à elle-même en tant que mage, guidée par les conseils de celui qui n’était ni plus ni moins que son Avatar (aussi excentrique, dandy, buveur et flambeur soit-il).

L’Eveil de la jeune fille ne fut pas non plus sans conséquences sur sa vie familiale. De nouveaux horizons s’ouvraient soudain à elle; elle avait enfin une chance d’être définie, du moins à ses propres yeux, par autre chose que juste “socialement inepte” et “promise à une vie de solitude, retranchée derrière des livres dont elle ne pourrait de toutes façons jamais parler avec personne d’autre”. Sans forcément penser dès le départ qu’il existait toute une hiérarchie de Mages, Irena ne mit pas longtemps à se demander s’il se pouvait qu’elle ne fût pas la seule; par conséquent, une fois guérie, elle commença à se montrer plus ouvertement en société, au grand dam de ses parents, dans l’espoir peut-être de pouvoir lancer quelques appâts et trouver un jour ou l’autre une autre personne qui serait comme elle (notamment en parlant de lectures occultes et autres textes moins connus). C’est de là que découla sa rencontre avec Hugues de La Place, le mentor l’ayant poussée à rejoindre l’Ordre d’Hermès, et plus tard Cassandra Dummy qui l’initia à la Société de Diogène