Orpheus Ex Machina

Le rituel révélé

Recherches et discussions sont interrompues par l’arrivée de la boucherie chevaline, au portail, prête à emporter le cadavre. Sur instructions de Helga, Wilhelm parvient toutefois à les convaincre de revenir deux heures plus tard, et les trois mages s’en retournent à leurs investigations. Irena rassemble les éclats découverts au centre d’un cercle qu’elle trace à même le sol, afin d’analyser le rituel dont ils faisaient partie. Pour Jan, les cristaux semblaient placés là sans rime ni raison, comme s’ils n’avaient été que des éclats arrachés à un morceau unique à la suite d’une violente explosion. Tant bien que mal, Helga essaie elle aussi d’en savoir plus en interrogeant les esprits, dans l’espoir de parvenir à trouver ce qui aurait pu être l’esprit du cheval, mais les choses ne se passent pas aussi bien qu’elle l’aurait souhaité, et elle s’en revient bredouille.

Les observations d’Irena, qui de son côté a poursuivi sa propre analyse, lui indiquent que l’aura entourant l’animal, bien que ténue, est tout de même parlante: l’essence entropique qui s’en dégage encore est à peu près la même que celle qui a nimbé le bras de Lars lorsqu’il a invoqué son feu. Du moment où il était entré dans le domaine d’Helga, Lars n’était sans doute plus le même, comme “parasité” par une présence mystique. Toutefois, la qualité de son rituel révèle qu’il savait tout de même ce qu’il faisait — à chaque nouvelle blessure infligée à l’animal, l’énergie qu’il avait à sa disposition croissait. Lars a donc sacrifié ce cheval afin d’accueillir en lui-même cette présence spirituelle, en dépit de la décision quasi-suicidaire qu’utiliser un tel rituel représentait; peut-être Fyodor lui avait-il appris ledit rituel en lui faisant une fausse promesse? Quant au symbole dans l’herbe, il serait la trace résiduelle laissée par la présence en elle-même — et Jan, quelques jours auparavant, avait sans doute été victime de quelque chose de semblable. Quelque chose se promène là sur le domaine d’Helga, ou du moins essaie de s’y imposer, et ce n’est pas bon signe. Par contre, le mystère demeure en ce qui concerne les éclats de cristal; leur aura, entropique mais également dynamique, est différente de celle de Lars et de cette présence qu’il avait invoquée.

Helga étant entre temps retournée au palais, mandée par Francesca, Irena fait part à Jan de sa découverte. L’Akashite lui dit alors que lorsqu’il a lui-même été exorcisé de cette présence par le Frère Fahlen, il a vu alors s’envoler un papillon doré aux ailes marquées d’un signe mêlant l’alpha et l’oméga… le même papillon aperçu par Irena dans le bureau de Jakob, le jour de son arrivée à Vienne.

Sur ces entrefaites, Helga revient, annonçant qu’elle vient de recevoir un appel téléphonique d’Hector, et que celui-ci avait un message pour Irena: le Marquis convie l’Hermétiste ce soit même à dîner… et de toute évidence, un refus ne serait ni acceptable, ni accepté. Une nouvelle mais brève discussion s’engage à ce sujet, au cours de laquelle Irena parvient à convaincre ses compagnons de ne pas chercher à l’accompagner, ni même à la suivre. Mieux vaut en effet ne pas faire quoi que ce soit qui pourrait irriter cet homme.

L’histoire du Palais?

Jan se saisit des éclats de cristal afin de voir si, mis les uns contre les autres, ils ne s’assembleraient pas en une forme particulière — et si oui, manque-t-il des morceaux, ou non? Après avoir assemblé les 9 morceaux, il constate qu’il en manque peut-être encore la moitié, mais il peut déjà reconstituer l’objet: une sorte d’oeuf oblong, de la taille d’un poing fermé, dont la partie supérieure gauche est manquante. Il place ensuite les fragments dans une petite bourse qu’il garde sur lui. Cet objet était à priori un réceptacle ou un focus pour une magie d’ordre tellurique, les cristaux étant des récepteurs idéaux pour cela. Irena, elle, réitère à l’attention d’Helga les explications qu’elle venait de fournir à leur compagnon. Peut-être le domaine Melvany en lui-même était-il la raison pour laquelle Fyodor cherchait à traiter avec Jakob, et celle pour laquelle il a fait enlever Francesca et déposé le fort menaçant message: pour que Helga quitte l’endroit, le laissant ainsi à la merci de cette présence mystique qui pourrait alors l’utiliser à son gré. Helga ne sait malheureusement rien de particulier concernant le domaine; la seule chose qu’elle connaît est la date à laquelle il a été construit: en 1683, alors que la famille portait encore le nom de Melvanitz, “l’arbre de vie”.

Après le repas, durant lequel la discussion a porté sur l’oeuf de cristal et sur l’histoire de Vienne (la seule chose à laquelle “1683” fait penser est le siège de la ville par les Ottomans), Helga se rend dans la bibliothèque pour y chercher un livre d’histoire concernant la capitale. Le dernier siège de Vienne par les Ottomans remonte bien à 1683; grâce aux renforts d’autres souverains européens et à la très mauvaise préparation de l’armée ennemie, le siège, qui n’a duré que trois mois, s’était fini par un désastre pour les Ottomans. Cela n’aide pas beaucoup les trois mages, mais quelques hypothèses se dégagent toutefois. Peut-être le palais Melvany avait-il été bâti là pour emprisonner ou utiliser la présence mystique en question; ou encore les cristaux faisaient-ils partie d’un rituel de protection, qui aurait explosé lorsque Lars a lui aussi invoqué sa magie sur place.

La statue de Jakob

Suite à ces recherches, les trois compagnons se mettent en route pour l’Académie des Beaux-Arts, où Helga doit aller rencontrer le conservateur, Herr Hoeffgang, un homme qui est à la tête du musée depuis une dizaine d’années, mais dont la réputation est assez controversée. Il arrive en personne pour accueillir “la comtesse Melvany et ses amis”, et acquiesce au désir d’Helga de voir le legs que son mari a laissé à l’Académie. Hoeffgang laisse les trois mages dans la galerie des oeuvres surréalistes pendant qu’il va chercher un archiviste qui pourrait leur permettre de retrouver les sculptures de Jakob dans le catalogue du musée. Cet archiviste, Herr Rheingold, les mène ensuite dans une remise où se trouve une sculpture de près de quatre mètres de haut, protégée par une bâche, qui rase de près le plafond.

Lorsque Rheingold dévoile la scupture de pierre, Irena sent une étrange impression la traverser. Sur un socle circulaire se dresse une gigantesque main sortant de flots représentés par des tourbillons stylisés. Elle sert de trône à un masque domino, formé par tout un agglomérat de minuscules papillons. Le masque est de forme ovale, mais contrairement à celui qu’a vu Jan sur le visage de la curieuse apparition en costume à queue-de-pie, la forme de son front est creusée et non convexe, comme si une subite morsure avait arraché toute une partie de la pierre, formant ainsi deux arêtes recourbées quelque peu semblables à des cornes. Deux orifices dans ce visage font office d’yeux. Le titre de la sculpture, en latin, se traduit par Le prince tragique. La pierre dans laquelle elle est sculptée s’avère mêler marbre et basalte. L’Académie l’a reçue en août 1921, et son apparence soulève un certain nombre de questions, dont la suivante: si cette statue est une sorte d’autoportrait, dans ce cas, l’homme au masque qu’a aperçu Jan à deux reprises… serait-ce le fantôme de Jakob?

Elysion Princeps

Désireux d’examiner de plus près cette statue, Jan fait croire à l’archiviste qu’il a vu un rat passer dans la remise, afin de le distraire et de l’envoyer partir en chasse. Ce qui est pratique avec les mages, et surtout les entropistes comme Irena, c’est que dans ce genre de situation, on peut faire en sorte qu’il y ait effectivement un rat, et Rheingold les laisse seuls quelques minutes. Les trois mages envoient alors Piotr derrière la statue pour voir s’il s’y trouve quelque chose. La martre remarque en effet une inscription, gravée très finement sur le sommet du masque: “ELYSION PRINCEPS” — ce qui ne manque pas de rappeler là l’étrange prophétie laissée par la statue de l’Ange.

Dans un réflexe, Helga murmure ces deux mots, età ce moment précis, une vive chaleur frappe Jan à la hanche, là où est accrochée la petite bourse contenant les éclats de cristal. Les trois compagnons sentent une vague brutale de magye les frapper, et les deux orbites vides du masque commencent à émettre une lueur blanche. Se rappelant alors les mots apparus dans le caveau de Jakob, Helga murmure de nouvelles paroles: “Lux veritatis est”. Le flux d’énergie diminue alors quelque peu, puis la lueur émanant de l’oeil du côté noir du visage de pierre disparaît. Quant au côté blanc, au-delà de cette lumière vacillante semble se trouver quelque chose, une cavité, peut-être, ou un objet. Après avoir consulté ses deux amis du regard, Helga grimpe sur le masque pour tendre la main vers cet oeil. Une vague de chaleur intense la traverse elle aussi, et ses doigts touchent quelque chose, comme un petit objet suspendu, lui laissant l’impression que l’orbite vide était une sorte de portail vers ledit objet. Laissant échapper un cri, Helga referme ses doigts et vacille en arrière. Le phénomène lumineux cesse alors immédiatement.

Dans sa main, Helga tient maintenant une pierre oblongue d’environ trois centimètres de long et de couleur bleu turquoise… une pierre qui pourrait tout à fait correspondre à celle qui manquait dans l’amulette d’Anubis! Immédiatement, les trois mages ne peuvent s’empêcher de songer que c’est là un nouveau legs de Jakob, et que ce dernier avait dû prévoir que tôt ou tard, Helga viendrait ici. Mais quel legs! Cela semble mettre Piotr particulièrement mal à l’aise: il évite cette pierre comme la peste, et lorsqu’enfin in revient vers sa maîtresse, c’est pour la foudroyer du regard. Jamais elle ne l’a vu dans un état pareil.

Sur ces entrefaites, Herr Rheingold revient, et Helga a tout juste le temps de dissimuler la petite pierre. Elle lui demande s’il connaîtrait par hasard des oeuvres traitant de l’Elysion, des Champs Eysées, et l’archiviste répond qu’en effet, l’Académie a réçu une statue étrange, il y a de cela un an, sculptée par un certain… Georg Stanis. Elle représentait un ange vêtu d’une toge, aux attributs bien plus olympiens que chrétiens, et portait le titre de “Gardien d’Elysion”. Hélas, cette statue a bien vite trouvé un acquéreur en la personne d’un Russe, Dimitri Remanov, en voyage à Vienne à cette époque.

Embrouilles à la gare

Puisque visiblement, il n’y a rien de plus à tirer de la visite au musée, et que ce n’est que le milieu de l’après-midi, les trois mages prennent ensuite le chemin de la gare afin d’aller réserver des billets pour le prochain train en partance pour Targujiu, la gare la plus proche du village de Sulfas où réside Georg Stanis, ce qui signifie qu’il faudra vraisemblablement prendre l’Orient-Express. Toutefois, Irena devant se préparer pour le dîner auquel l’a conviée le Marquis, c’est Jan et Helga que Wilhelm dépose à la gare, avant de reconduire la jeune Hermétiste au Palais Melvany.

Au guichet, Jan et Helga apprennent que le prochain Orient-Express passera par Vienne le 4 décembre, mais qu’il n’est pas possible d’acheter de billets: le train tout entier a en effet été réservé par un “haut dignitaire” à l’identité devant demeurer secrète — mais pas pour longtemps, car Jan, l’air de rien, parvient à effectuer une discrète perception des pensées de surface du guichetier, et en tire le nom d'”Alexei Rykov”. Le train suivant ne partira pas avant le 11, ce qui n’arrange pas les affaires des personnages. Immédiatement, les deux mages songeant à la même chose; peut-être pourrait-on “persuader” ce Rykov qu’il n’a besoin que d’un seul wagon, et que trois personnes en plus à bord ne causeraient pas de problèmes.

Lorsqu’ils quittent la gare, sans avoir pu obtenir plus de la part de l’employé, Jan sent qu’on les observe; il aperçoit alors un homme debout, vêtu d’une longue redingote noire, les mains dans les poches. Le col relevé de son vêtement dissimule le bas de son visage, et un lourd chapeau noir recouvre presque entièrement le reste. L’aura qu’il émet est étrangement menaçante; les deux hommes font un pas vers l’autre. Soudain, sans que rien n’eût pu le laisser prévoir, l’inconnu tire un objet de sous un pan de son manteau, qui dissimulait de fait un holster, et dans le même mouvement tire deux coups de feu dans la direction de Jan. Alors que l’Akashite esquive de justesse, il reconnaît enfin cet homme, bien qu’il n’en montre rien à Helga. Il n’a pas le temps de faire quoi que ce soit d’autre, car déjà son agresseur, fendant la foule à une vitesse hallucinante, s’enfuit sans même un regard en arrière.